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Introduction à la Vision Sans Tête

par José Le Roy

Qu’est-ce que la vision sans tête ?

La Vision Sans Tête affirme que nous ne sommes pas ce que nous croyons être et nous donne les moyens de nous éveiller à notre vraie nature.

L’enseignement de la VST est en effet un chemin qui nous fait passer du moi illusoire (l'individu que je crois être) à ce que nous sommes vraiment. Ce chemin est une conversion, un retournement à 180° de l'attention de la conscience; il s'agit d'un changement total de perspective sur ce que nous sommes. Douglas Harding a, de manière tout à fait originale, décrit ce passage brusque comme le chemin qui nous conduit de la troisième personne à la première personne. Il montre en effet qu'il existe deux vues possibles sur le "moi": un point de vue en tant que troisième personne et un point de vue en tant que première personne.


Quand je me regarde dans le miroir, je découvre une tête humaine, là-bas, à un mètre de distance. C'est également ainsi que les autres me perçoivent quand ils me regardent à une certaine distance (trop loin ils ne me voient plus). Pour eux, je parais être un individu humain, c'est-à-dire un objet situé dans le monde, avec une taille, une forme, des couleurs, bref avec toutes les caractéristiques des objets. Les autres (et moi-même quand je regarde le miroir) ont sur moi une vue, que Douglas appelle le point de vue de la troisième personne (ou de la seconde personne ce qui revient au même). Ils voient en effet un homme à qui ils peuvent s'adresser par un "tu" ou un "vous" (seconde personne) ou auquel ils font référence par un "il" ou "lui" ou "cet homme ci" (troisième personne du singulier).


Mais il existe une autre vue de moi, qui est celle que j'ai de moi-même quand je me regarde à partir de l’endroit où je suis, c’est a dire exactement Ici. Si je cesse de sortir de moi en imagination et de me percevoir à partir des yeux des autres (ou à partir du miroir), je découvre alors que ce que je suis au centre n'est pas ce que je parais être à l'extérieur. Cette perspective sur moi, à zéro centimètre de distance, m’apprend que je suis l’exact opposé de ce que je croyais être ; c’est ce que je vois de moi en première personne.


Je vois alors que je ne suis pas un objet, que je ne suis pas dans le corps, que je n'ai pas de taille, pas de forme, que je ne suis situé nulle part ou partout, que je n'ai pas de limite, que je suis aussi grand que le monde, immense, que je suis vide, transparent, clair. Ce que je découvre au cœur du moi , c’est l’Espace Infini et sans forme.


Cette découverte fondamentale est un Eveil à sa véritable nature, un passage de la troisième personne à la première personne. Il s'agit de cesser de prétendre être mon apparence humaine pour réaliser que je suis Espace Conscient, Vide et Illimité et immédiatement rempli de cette partie du monde qui se présente a ce moment. Douglas Harding précise d'ailleurs que cette compréhension est un véritable voyage qui consiste à quitter mon apparence que je crois être dans le miroir LA-BAS, pour revenir à ce que je suis vraiment ICI au centre de moi-même.


Il y a donc bien deux points de vue possibles sur moi: l’un à partir de mon centre et l’autre à partir de l'extérieur. Mais ces deux points de vue n'ont pas la même valeur car le point de vue qui me considère de l'extérieur ne donne qu'une de mes apparences tandis que le point de vue à partir de mon centre dit la vérité de mon être. Je suis une première personne, et je parais être une troisième personne. La première personne (ce que je suis à zéro centimètre de distance) est mon essence, la troisième personne (ce que je parais à quelques mètres) est une de mes apparences. Mais, malheureusement, cette troisième personne n'est pas une simple vue extérieure sur moi; je me suis identifiée à elle; j'ai adopté sur moi-même, par ignorance et en fait par inattention, ce point de vue externe et éloigné.


Ainsi , quand je pense à ce que je suis, c'est en tant que troisième personne que je me connais. Douglas Harding résume cette dramatique erreur par la phrase suivante : "I say I'm here what I look like there", " Je dis que je suis ici ce que je parais être là-bas", c'est -à-dire que je confonds mon essence et mon apparence.


Cette confusion constitue une incroyable erreur. Vivre à partir de l'apparence, c'est vivre à partir du faux, à partir d'une image ; nous devenons alors décentré, excentré; nous sommes projetés à la périphérie de nous mêmes et nous oublions le Centre, le vrai moi. Les problèmes de l’existence humaine, le stress, la souffrance, la peur, la haine, l’avidité, le manque de sens…etc trouvent leur origine dans cette erreur fatale, qui est une véritable mort à soi-même. Vivre sans stress analyse en détails ces problèmes et montre que leur solution ne se trouve que dans la redécouverte de notre véritable identité.


L'Eveil consiste donc à passer de la troisième personne à la première; mais, en fait, on peut tout aussi bien dire qu'il n'y a pas de voyage car nous avons toujours été une première personne qui a simplement rêvé qu'elle était une troisième personne. Le Soi est notre essence, notre état naturel. Douglas Harding insiste sur le fait que cet Eveil à Soi n’est pas psychologique ; il ne s’agit pas de changer son caractère, de chercher à modifier ses émotions ou de vouloir s’améliorer ; toutes ces couches psychologiques de notre être (caractère, émotions, pensées…) appartiennent à la troisième personne ; elles sont périphériques; notre vraie nature est au-delà des pensées et des émotions. Vivre sans tête, c’est voir qu’ICI et MAINTENANT, je suis construit déjà ainsi, immense, grand ouvert pour accueillir le monde ; c’est s’éveiller à ce que je suis et que je ne peux pas ne pas être.

Les expériences

L’enseignement de la VST utilise bien sûr des mots et fait appel à notre compréhension, mais les mots (la Vacuité, la Conscience, l’Espace…) ne sont pas encore l’expérience, même s’ils pointent vers elle ; ils sont insuffisants pour nous ramener chez nous, vers notre vraie nature. Le génie de Harding est d’avoir mis au point un certain nombre d’exercices pour nous faire passer « du concept au percept ».
L'originalité de la VST consiste en effet à baser le chemin vers le Soi sur le sens de la vue qui est déterminante pour reconnaître les dissemblances entre la première et la troisième personne. Pour voir ce que je suis, il suffit que je regarde ce qui m'est donné, dans l'expérience de l'instant présent, et que je cesse de me projeter en imagination dans le regard d'autrui pour me voir de l’extérieur.
Voici ce que je vois de moi en tant que première personne :

 


dessin de Douglas Harding

En tant que troisième personne, j'ai les pieds en bas et la tête en haut mais en tant que première personne je n'ai pas de tête; la première personne est décapitée. Rien n'est plus simple que de voir notre vraie nature; il suffit d'ouvrir les yeux et de constater qu'ICI, au Centre, au dessus des épaules, il n'y a pas de tête mais un Espace immense et transparent.
Ainsi, les exercices de la Vision Sans Tête font appel à la simple attention à ce qui nous est donné dans l’expérience de l’instant présent ; il s’agit d’inverser la flèche de son attention de 180° et de regarder celui qui regarde en nous en ce moment, au lieu de le négliger au profit d’une idée de nous-même. Voici un exemple de la manière dont Douglas Harding cherche à opérer cette conversion du regard :
« Si le lecteur lit ces lignes imprimées, regardons ce qu’elles peuvent lui révéler : le lecteur est espace pour ces signes noirs sur le papier. Ils changent de ligne en ligne alors que le lecteur continue à être l’espace dans lequel ils apparaissent. Vous voyez ces marques à 50 cm de vous et celui qui les voit est ici à 0 cm de vous et il est l’espace dans lequel elles se trouvent.
Pour voir cela, il faut vraiment faire l’expérience que je vais proposer et ne pas se contenter d’en lire une description. Que le lecteur observe si, lorsqu’il lit ces lignes, il y a deux espaces correspondant à ses deux yeux ou s’il a juste un seul espace sans aucune division. En d’autres termes, le lecteur regarde-t-il les lettres imprimées à partir d’une fenêtre ouverte ou de deux fenêtres ouvertes ? Si vous répondez une seule, vous avez saisi. Si vous êtes dans le doute, faites ceci : tenez la revue d’une main et de l’autre pointez d’abord vers elle avec votre doigt. Ce qu’indique votre doigt, c’est un magazine, une chose. Maintenant, vous pouvez tourner votre doigt à 180° et pointer vers le lecteur, ce que vous êtes vraiment, vraiment ? Vous êtes vide pour les lettres imprimées, les idées et la forme du magazine. Vous êtes espace, un espace sans limite, absolument clair. Comment pourriez vous contenir ces lettres s’il y avait quelque chose en vous pour les écarter ? Comment pourriez-vous percevoir cette page imprimée s’il y avait quoi que ce soit en vous pour la maintenir à l’extérieur, autre chose qu’un espace vide pour l’accueillir ? »
Si vous cherchez réellement à répondre aux questions ci-dessus en laissant de coté votre mémoire et votre imagination, si vous avez l’audace de regarder ce que vous êtes comme si c’était la première fois, en osant être votre propre autorité, comment ne pas voir l’évidence, à savoir qu’au-dessus de vos épaules il n’y a pas de tête, mais un Espace Vide, Infini, Conscient de lui-même en tant qu’absence de choses et Accueil pour le monde ?
Dans les ateliers, on peut utiliser une douzaine d’exercices de ce genre pour provoquer le basculement de la conscience sur elle-même; leur simplicité ne doit pas cependant tromper car ils sont extrêmement efficaces et puissants. Grâce à eux, il devient vraiment difficile de ne pas VOIR la vacuité
La vision de notre propre nature est la seule chose (ou non-chose plutôt) que nous puissions réellement et complètement partager car elle est absolument claire et simple. La conscience est Une ; elle ne se laisse pas diviser en morceaux ; elle est toute entière présente en chacun de nous et nous unit tous.
Mais s’il est vrai que les exercices nous ramènent « à la maison », voir une fois la Vacuité ne suffit pas pour que la vie se déroule consciemment à partir de qui nous sommes vraiment . Douglas précise que si la Vision Sans Tête est simple, elle n’est pas cependant facile, car l’identification à notre apparence humaine possède des racines profondes qui nous replongent à la première difficulté dans des schémas anciens. Ainsi la Vision Sans Tête est-elle une Voie de retour qu’il faut réemprunter toujours, jusqu’à ce que la vision de la Vacuité devienne naturelle grâce aux exercices qui ont le pouvoir de nous libérer de la prison de nos apparences.

Un chemin nouveau

La simplicité et le concret de l’enseignement de la VST ont séduit de nombreux chercheurs de vérité à travers le monde, qui, fatigués de la philosophie abstraite de l’Occident et des paroles de beaucoup de maîtres spirituels, ont pu trouver dans la Vision Sans Tête un véritable chemin vers leur vraie nature. Cette voie ne propose aucun maître ; elle cherche au contraire à nous libérer de toutes les autorités extérieures pour découvrir en nous le seul et unique maître, la Source Infinie et Consciente, ce qui est désormais possible avec les exercices.


En un sens, la VST n’innove pas car son enseignement est fidèle au message essentiel des grandes traditions spirituelles et des philosophies de l’ouest (Platon, Plotin…) ou de l’Est (vedanta, zen, taoïsme…), auxquelles Douglas se réfère d’ailleurs (voir Les religions du monde), et qui nous annoncent toutes qu’au cœur de nous-même, nous pouvons trouver un trésor infini, l’absolu lui-même. Les noms que les religions donnent à ce qui est plus proche de moi que mon propre moi sont variables (atman-bhraman, nature de Bouddha, Allah, Christ) mais toutes, dans leur fond, affirment, au-delà de leurs différences de formes et d’expression, que nous trouvons le divin en nous.


Cependant, en un autre sens, l’enseignement de la VST est vraiment révolutionnaire car il offre la possibilité en effet de vérifier par soi-même cette bonne nouvelle, grâce aux exercices qu’il a mis au point. Cet enseignement ne s’appuie sur aucun dogme, aucune foi, aucune croyance préalable mais uniquement sur des expériences répétables et partageables. Il correspond ainsi à l’exigence de rationalité de notre époque moderne ; l’enseignement de la VST est une science de la première personne.

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