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Nisargadatta Maharaj et Douglas Harding par Paul Vervisch

Pour construire une maison on choisit de bons matériaux et on s'assure d'avoir des fondations solides. On pourrait croire que lorsqu'il s'agit de spiritualité on agit de même et pourtant c'est rarement le cas. On se laisse souvent séduire par des constructions de mots qui au premier orage se flanquent par terre.
Nous possédons un corps et une conscience, unis par le souffle vital, ce sont les seuls outils à notre disposition. Nous seuls pouvons les utiliser – en observant à partir du centre lucide et permanent vers lequel pointe continuellement Douglas – pour découvrir la fausseté des multiples convictions qui nous habitent.


Notre époque fournit une dramatique démonstration de ce que provoque la soumission à des concepts sans oser les remettre en question, aussi le premier devoir du chercheur est de douter jusqu'à ce que cela ne soit plus possible.


C'est à quoi excellait Nisargadatta Maharaj. Ce grand sage savait qu'il ne suffit pas de qualifier notre monde d'illusoire (alors qu'il constitue pour nous la seule réalité) pour nous faire appréhender la fausseté de cet univers. Aussi, cherchait-il avant tout à nous mettre en face de nos contradictions, à nous faire buter sur notre conditionnement. Il nous bombardait de questions jusqu'à ce que, en nous-mêmes, se produise une prise de conscience. Le faux une fois constaté, le vrai est accessible.

Un jour j'ai dit à Maharaj que je n'arrivais pas à formuler une définition de ma véritable nature. Il m'a répondu « Dites : je suis ce par quoi je sais que je suis. »


Extrait de l'entretien n° 28 extrait du livre de dialogues de Nisargadatta Maharaj, Je Suis

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Question : Je viens d'un pays lointain. J'ai fait mes propres expériences intérieures et j'aimerais que nous échangions nos impressions.
Maharaj : Tout à fait d'accord. Vous connaissez vous vous-même ?
Q : Je sais que je ne suis pas le corps. Pas plus que je ne suis le mental.
M : Qu'est-ce qui vous autorise à parler ainsi ?
Q : Je sens que je ne suis pas dans le corps. Il me semble occuper l'espace, être partout. Et en ce qui concerne le mental, je peux, pour ainsi dire, le brancher et le débrancher à volonté. Ceci me fait ressentir que je ne suis pas le mental.
M : Quand vous sentez que vous occupez tous les endroits du monde, restez-vous séparé du monde ? Ou bien, êtes-vous le monde ?
Q : Les deux. Il m'arrive de sentir que je ne suis ni le corps ni le mental mais un regard unique percevant tout. Quand je plonge plus profondément dans cette sensation, je suis tout ce que je vois, et le monde et moi ne faisons qu'un.

M : Comment êtes-vous parvenu à votre état présent ?
Q : L'enseignement de Sri Ramana Maharshi m'a mis sur la voie. Puis j'ai rencontré un certain Douglas Harding qui m'a montré comment me pencher assidûment sur « qui suis-je ? »

M : Est-ce que cela fut soudain ou progressif ?
Q : Réellement soudain. Comme quelque chose de totalement oublié qui resurgit dans le mental. Ou comme un éclair de compréhension. « Que c'est simple, ai-je dit, que c'est simple ; je ne suis pas ce que je pensais être ! Je ne suis ni le perçu ni celui qui perçoit ; je ne suis que l'acte de percevoir. »
M : Pas même l'acte de percevoir, mais ce qui rend tout cela possible.

...


L'entretien n° 34 constitue un échange des plus instructifs entre Maharaj et un européen enseignant le yoga, qui a du trouver bien rude la réponse suivante : « Si vous faites confiance au temps, il vous faudra des millions d'années. »


Une belle métaphore dans l'entretien n° 35 : « …On ne fait pas le ménage dans une pièce noire. On commence par ouvrir les fenêtres. Laisser pénétrer la lumière rend les choses plus faciles. ... Il est inutile de se laisser entraîner dans une ronde de questions sans fin, trouvez-vous vous-même, et tout se mettra en place de lui-même. »


Et le cœur de l'intense entretien n° 36 : « Quand je dis "je suis", je ne veux pas dire que je suis une entité séparée dont le corps serait le noyau, je veux dire que je suis la totalité de l'existence, l'océan de la conscience, l'univers entier de ce qui est et de ce qui connaît. Je n'ai rien à désirer parce que je suis à jamais complet. »

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Paul Vervisch

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