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Vous êtes très bien tel que vous êtes ou « suis-je défectueux ? » par  Douglas Harding 

« Tout va mal. Vous êtes complètement détraqué », voilà ce que la société nous dit de toutes sortes de façons plus ou moins subtiles. Et quel empressement nous mettons à le croire! Nous buvons les mauvaises nouvelles comme du petit lait! En fait, beaucoup d'entre nous sommes prêts à payer des sommes énormes à quiconque nous expliquera de façon convaincante dans quel pétrin nous sommes, et nous le suivrons à travers le monde entier, pendant des années, rien que pour l'entendre disserter sur ce sujet.

Loin de moi l'idée de perturber ceux qui prennent plaisir à s'inquiéter du mauvais état de leur santé spirituelle. Mes remarques ici s'adressent à ceux qui ne s'en réjouissent guère, à ceux qui en ont plus qu'assez de se désoler. A ceux-là je dis: préparez-vous à recevoir une bonne nouvelle. Non pas à entendre une bonne nouvelles, mais à la voir réellement se passer. Ou plutôt, à la voir brusquement éclater au grand jour.

Mais n'anticipons pas. Pour commencer, examinons sérieusement et raisonnablement cette vision pessimiste de nous-mêmes qui est si répandue. Voyons ce qu'il y a de vrai dans tout cela et quelle action il faudrait entreprendre. Traitons cette histoire d'infortune spirituelle aussi intelligemment et calmement que nous traiterions des problèmes moins personnels et plus matériels – en affaire, par exemple.

Supposez que vous êtes le patron d'une grosse société : le bruit court que le désastre est imminent, que l'entreprise est presque certainement vouée à la faillite et son propriétaire à la misère et au déshonneur. Comment réagissez-vous ?

Il y a deux attitudes possibles et totalement différentes.

La première serait de paniquer, c'est à dire lancer des ordres à droite et à gauche, licencier le chef d'exploitation et le directeur des ventes, fermer une filiale ou deux et licencier le personnel, abandonner les anciens modèles et en lancer de nouveaux. Agir vous semble la seule issue. "Ne restez pas planté là!" criez-vous, "Remuez-vous! N'importe quel changement vaut mieux que l'immobilisme."

Le résultat est que les choses vont certainement empirer. Des remèdes improvisés administrés aveuglément à un malade que le médecin n'a pas le temps d'examiner risquent fort de le tuer. Il y a une chance sur mille qu'ils le guérissent

Mais si vous êtes un homme ou une femme d'affaires compétent(e), plutôt que de réagir de cette manière impulsive, excessive, vous choisissez de ne rien faire : aucune mesure de redressement tant que vous n'aurez pas vérifié les faits. Vous convoquez une réunion de bureau extraordinaire au cours de laquelle le directeur des ventes exposera ses graphiques faisant apparaître les tendances actuelles du marché et les prévisions pour l'avenir, le chef d'exploitation fera son rapport sur les possibilités d'augmenter la production et de réduire les frais et le comptable communiquera ses prévisions pour les pertes et profits de l'exercice de l'année, pour l'accroissement du découvert, etc....

C'est alors, et alors seulement que vous prenez vos décisions. Cet ensemble d'informations bien enregistrées et bien réfléchies va vous permettre de faire des choix raisonnables. Il se peut qu'elles vous démontrent la nécessité de prendre des mesures drastiques à court terme et à long terme. Ou au contraire, qu'il ne faut prendre aucune mesure précipitée avant que la situation soit plus claire. Peut-être même réalisez-vous maintenant votre panique injustifiée, que toutes ces rumeurs de catastrophe imminente n'étaient absolument pas fondées, qu'elles étaient mêmes pure malveillance, et qu'après examen approfondi votre affaire se révèle tout à fait prospère. Que les nouvelles ne pourraient pas être meilleures, en fait!

Voilà comment nous menons nos affaires séculières ordinaires si nous avons le moindre bon sens pratique.

Si seulement nous menions nos affaires spirituelles avec la moitié d'intelligence et le quart de bon sens, en appliquant le même principe méthodique : les faits d'abord, l'action ensuite! La plupart d'entre nous, hélas!, sont loin d'être aussi raisonnables lorsque nous passons de la conduite de la périphérie de notre vie à celle de son coeur même! Lorsqu'il s'agit de simples objets : marchés, marchandises, argent, nous sommes relativement sensés. Mais lorsqu'il s'agit de nous-mêmes, du propriétaire de ces choses, nous sommes pris d'une douce folie. Sans preuves ou presque, sur de simples on-dit et par peur (à moins que ce ne soit un désir secret?) nous décidons que notre vie a mal tourné, que nous sommes sérieusement détraqués, malchanceux, voire maudits. Alors, nous courons dans tous les sens à la recherche de remèdes pour un mal dont nous ne savons rien et dont nous ne voulons rien savoir – sinon qu'il est vraiment très grave et qu'il n'y a pas de guérison en vue.

Si quelque chose pouvait nous enfoncer davantage encore dans notre marasme, c'est bien cet aveuglement hystérique par rapport à notre état actuel, cette manière irrésistible et pourtant calculée d'ignorer les faits les plus évidents qui nous concernent, cette façon délibérée de choisir de vivre à partir d'un paquet de malheureux mensonges sur notre nature, au lieu de vivre à partir de cette nature telle que manifestement elle est. Pas étonnant, alors, que nos pires craintes soient justifiées, et nous voilà livrés aux charlatans de tous bords et à leurs innombrables remèdes en réclame sur le marché. Des gogos incroyablement crédules, voilà ce que nous sommes!

Mais maintenant, c'est en hommes et femmes d'affaires, pour changer, que nous allons vous et moi nous observer nous-mêmes, étudier notre véritable nature et notre véritable condition. Nous allons ignorer les rumeurs et regarder les faits. Nous allons revenir à la raison et prêter attention – sinon pour la première fois, du moins comme si c'était la première fois – à ce qui se présente clairement, à ce que nous sommes selon notre expérience de première main, en cet instant. Non pas prêter attention (notez bien cela s'il vous plaît) à ce que les autres disent que nous sommes ou à ce que nous leur paraissons être, mais à ce que nous sommes pour nous-mêmes, intrinsèquement, en dehors de toute idée préconçue, croyance ou imagination. Cela signifie avoir le courage de faire pivoter votre attention de 180° et regarder le lieu que nous occupons : simplement regarder, avec un esprit ouvert, prêt à accepter n'importe quelle découverte, quelque étrange qu'elle soit, et avec l'humilité et l'honnêteté de nous laisser guider par ce que nous allons trouver là. En d'autres termes, nous allons regarder non pas seulement ce que nous regardons (en ce moment cette page d'écriture ou de caractères imprimés), mais aussi ce à partir de quoi nous regardons ...

Que désigne ce doigt en cet instant, à l'évidence, sans faire appel à la pensée? Regardez! N'échafaudez pas d'idées sur ce que vous voyez clairement : observez simplement.

 

Quel effet cela fait-il de regarder DEDANS?

 

Ramana Maharshi a-t-il parfaitement raison lorsqu'il dit : "c'est vraiment comme contempler le vide" ?

Est-ce que ce doigt désigne un quelque chose, selon votre expérience directe à l'instant présent? En particulier, désigne-t-il une chose quelle qu'elle soit, opaque, petite, solide, colorée, compliquée, avec des contours précis ?

Ou désigne-t-il simplement l'Espace ?

L'Espace vide, une Capacité sans aucune caractéristique ni aucune limite : rien que l'Espace Conscient où cette page de mots et les mains qui la tiennent peuvent s'inscrire; rien que le Vide ou Espace pour que puisse y défiler tout ce qui se présente, rien que cette Non-Chose qui englobe miraculeusement toutes choses ?

N'est-ce pas là Ce Que vous êtes, Ce Que je suis, en ce moment -même ?

Et Ce Que nous sommes toujours : transparence immense, simple, immaculée, incolore, pleinement consciente d'Elle-Même en tant que telle ?

Et encore une fois, miraculeusement telle, avec un éclat sans égal ?

Qu'est-ce qui peut troubler Cela ?

Quelle perte, quelle blessure ?

Quel changement malheureux ?

Quel changement d'aucune sorte ?

Qu'y a-t-il Ici qui puisse périr ou mourir ?

Que signifient Ici les mauvaises nouvelles ?

Que faut-il guérir Ici ?

Quel médicament prescrivez-vous à Ce Patient ?

Mais je vous entends déjà objecter vivement : "D'accord, je vois que physiquement il n'y a rien ici où JE SUIS qui puisse me créer des problèmes, mais mentalement, il y a largement de quoi. Mes émotions – colère, amertume, frustration, tristesse, ennui, désespoir, etc. me parasitent quand même. A quoi cela me sert-il d'être si Spacieux si je dois abriter (et supporter) une succession perpétuelle d'émotions le plus souvent négatives ?

Je préfère être bourré à craquer de n'importe quoi plutôt que d'être un espace vide et clair où les sept démons de l'esprit peuvent se déchaîner!"

Voici ma réponse : à ce stade, vous devez prendre une décision capitale. Vous devez décidez si ces émotions – tant négatives que positives – sont réellement vôtres ou non. Si elles s'appliquent à vous qui êtes Absence de Choses mais Espace pour toutes choses, ou si elles concernent ces choses. Il vous faut définir ces émotions, définir la façon dont elles vous traversent, comment elles arrivent sur votre table! Si vous observez avec beaucoup d'attention, je pense que vous ne trouverez jamais aucun ressentiment, aucune colère, par exemple, qui vous soit véritablement, véritablement propre. Je veux dire : une colère qui ne serait que subjective, en dehors et indépendamment de tout objet. Il s'agit toujours d'un monde qui vous indigne, d'une situation, d'un événement ou de quelque chose qui provoque votre indignation. Quel que soit le sentiment, s'il est réel et non imaginaire, je suggère qu'il s'applique à ce que ou qui vous logez, et non à leur Hôte. Ainsi, votre véritable frustration provient des choses et des gens frustrants, et non pas du Logement que vous leur offrez. Ainsi, votre véritable amour s'exclame : "Comme il ou elle est adorable, digne d'amour!" et non pas "Comme il me plaît d'être si amoureux!" (ça, ce n'est pas de l'amour du tout). Ainsi, pour une fois c'est l'univers, et non plus vous-même que votre joie véritable trouve merveilleux. Vous-même, Vous ne changez pas. Je ne vous demande pas d'accepter cette affirmation brutale, je vous demande de la vérifier personnellement. Tout dépend de votre conclusion.

Regardez et voyez. C'est la nature de votre monde d'être envahi et imprégné par toutes sortes d'émotions (positives ou négatives) et structuré par toutes sortes de pensées (jugements, interprétations, relations) et orné de toutes sortes de décorations perceptives et sensorielles. Et tout comme il n'existe pas de structure en liberté, ni de couleurs qui flottent dans les airs détachés des objets auxquels vous avez pensé, donné un sens, une valeur, de la même manière il n'existe pas de sentiment de tristesse, de surprise ou de confusion en liberté, qui flottent dans les airs sans être rattachés à des choses affligeantes, surprenantes ou déroutantes. Non, aucun d'entre eux ne se détache de vos pensionnaires (comme des puces ou des microbes) pour s'accrocher à vous, leur Hôte. En d'autres termes, vous êtes le Contenant parfaitement simple et immuable de tous les composants infiniment complexes et variables qui s'assemblent pour former votre monde. En tant que tel, en tant que cet Espace immuable, pur, immaculé, parfaitement limpide et vierge, Espace d'accueil pour les mondes qui vont et viennent, vous êtes la Perfection Eternelle elle-même. Il ne s'agit pas de croire cela, de le comprendre ou le sentir un jour, mais de le voir tout simplement aujourd'hui, en faisant pivoter encore une fois la flèche de votre attention de 180°. Maintenant.

 

 

"D'accord", dites-vous, "mais à quoi me sert-il d'être absolument parfait si mon univers (qui comprend les choses que je regarde autour de moi et la chose que je regarde dans mon miroir) est si terriblement imparfait ? Disons, au mieux, un univers qui est un quart bon, à moitié neutre et un quart mauvais ?"

A cela je réponds : il semble que dès le début, il fallait que ce soit un monde en partie excellent et en partie très mauvais, ou alors : pas de monde du tout. Pas même Vous, dans votre fécondité première, n'avez été capable de donner naissance à un monde uniformément bon, un monde non-dualiste, sans contraires qui se heurtent, sans contradiction internes – un monde dans lequel fleurirait une joie qui n'aurait pas besoin d'un arrière-plan d'indifférence et de tristesse pour exister, un amour qui n'aurait pas besoin de grandir et de diminuer et grandir à nouveau pour exister, une paix qui serait naturelle et automatique et non une pacification. Vous n'avez pas réussi à produire la lumière sans obscurité, le silence sans le son, ou la hauteur sans la profondeur. Et pourtant, Vous avez sans doute décidé que malgré le prix exorbitant d'un tel univers, il en valait la peine – qu'il était et est préférable d'avoir cette sorte d'univers que pas d'univers du tout.

Mais attention!, tout ceci laisse supposer que lorsqu'enfin vous verrez et continuerez de voir votre propre perfection comme la Source Pure du monde, le monde, lui, apparaîtra encore souillé et tragiquement imparfait. Vous pourrez d'ores et déjà oublier cette idée. Préparez-vous à découvrir que lorsque l'univers des choses est perçu consciemment à partir de la Non – Chose dont il procède, c'est un univers transfiguré, qui revêt mystérieusement l'Infinie Perfection de son Origine. Préparez-vous à découvrir que lorsque vous cessez de porter un préjudice incalculable à votre monde en le coupant en deux : d'un côté une chose qui observe que vous appelez moi et de l'autre une chose observée que vous appelez non-moi, vous le guérissez de la blessure quasi-mortelle que vous lui avez infligée. Préparez-vous à découvrir que lorsque vous cessez de vous accrocher à quoi que ce soit – que ce soit un fragment de particule ou à l'ombre d'une pensée – vous rendez à votre monde tout ce que vous lui avez volé pendant des années, vous lui redonner une richesse dont vous aviez perdu le souvenir depuis votre petite enfance.

Oui, mais ne soyez pas simplement prêt à vous détacher de ce monde transformé, à vous en débarrasser d'un haussement d'épaules ou à vous en laver les mains, maintenant que vous avez remis les choses en ordre. Bien au contraire. Le paradoxe est que, voyant que vous êtes enfin libéré de lui, pur et immaculé, vous êtes lui – avec ses souillures et tout – et ceci le rend digne de vous. (Tournez maintenant votre regard vers l'intérieur, regardez l'Espace que vous êtes et dans lequel vous accueillez ces signes noirs sur fond blanc, et voyez comme il est inséparable d'eux.) Autrement dit, quand vous voyez Qui vous êtes, vous voyez que, en tant que leur Source vous êtes vide de tous vos produits, et en tant que Celui Qui les voit vous êtes vide pour accueillir tous vos produits, et en tant que leur Sauveur, vous êtes tous vos produits. Et comme Vous ils sont très bons en vérité. Ceci est l'amour de Dieu qui non seulement crée le monde et le fait tourner, mais également le sauve.

Si beau que tout cela paraisse, ne croyez pas un mot de ce que je vous dis. Vérifiez vous-même. Faites pivoter votre attention de 180°, voyez Ce Que vous voyez, restez avec la vision, et voyez ce qui arrive à votre monde.

Nous avons été pratiques. Nous avons découvert ce qu'il faut faire pour remédier à notre situation. La réponse (celle raisonnable d'un professionnel des affaires) est : rien du tout. Rien sinon ouvrir les yeux Voyant Qui nous sommes, nous sommes très bien tels que nous sommes. Et c'est une façon de parler très modérée, l'euphémisme du siècle!

Non, vous n'êtes pas détraqué.

"Un homme peut réaliser le Soi parce qu'Il est ici et maintenant.
S'il n'en était pas ainsi et qu'il faille beaucoup d'efforts pour L'atteindre dans un avenir lointain, et si c'était quelque chose de nouveau à acquérir, sa poursuite ne vaudrait pas la peine."

"Tous sont jnanis, jivanmuktas."

"Tous voient Dieu toujours, mais ils ne le savent pas."

"Soyez tels que vous êtes."

Ramana Maharshi

Ces affirmations ne sont pas destinées à être récitées, elles doivent être mises à l'épreuve. Vous devez Vous voir Vous-même, pour Vous-même. C'est la vision la plus facile, la plus naturelle, la plus saisissante que l'on puisse imaginer.


Et celle dont on se défend le plus. Nous, les humains, nous donnons beaucoup de peine pour ne pas voir notre propre félicité.

Douglas Harding

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